Elmehdi Amid, VC chez Techmind : "L’agriculture est aussi bien un gisement à impact qu’un secteur en perpétuelle évolution"

Qui êtes-vous ?

Je m’appelle Elmehdi, j’ai obtenu mon master en stratégie et finance à Sciences Po et avant de rejoindre Techmind, j’ai eu une vie de consultant pendant de longues années en Afrique et au Moyen-Orient dans des secteurs traditionnels comme l’automobile, l’assurance, l’industrie... J’ai eu la chance de rejoindre le monde du VC en intégrant Techmind depuis deux ans maintenant.

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Quelles sont les particularités de l'agriculture et pourquoi est-ce intéressant d’y investir ?

L’agriculture est aussi bien un gisement à impact qu’un secteur en perpétuelle évolution, ce qui favorise l’émergence de nouveaux champions. La demande des consommateurs a beaucoup évolué lors des dernières années : on veut manger sainement, de manière responsable et protéger la planète. Chez Techmind, nous avons bien étudié chacun des maillons de la chaîne de valeur alimentaire, et sur chacun d’entre eux, nous avons recensé les innovations et technologies qui viennent bouleverser les manières de faire en adressant trois enjeux : 1) nourrir la planète en optimisant les rendements agricoles, 2) optimiser la manière de nourrir la planète en limitant le gaspillage alimentaire par exemple et 3) réduire l’empreinte de l’agriculture et de l’alimentation sur l’environnement. Les innovations adressant ces sujets, on les trouve partout dans cette chaîne, que ce soit dans les champs avec les méthodes de stockage du carbone, chez les industriels avec le packaging éco-responsable ou chez les logisticiens grâce aux outils d’optimisation de la logistique agricole …

Quels sont les enjeux de financement dans l’Agritech ? Quels sont les retours sur investissements espérés par rapport aux autres secteurs ?

Les questions qu’il faut se poser seraient plutôt : “Est-ce que nos investissements nous permettent de contribuer à cette transition agricole et ainsi bénéficier au bien commun ?” et “Est-ce que ça aura plus d’impact d’investir dans un énième outil de productivité au travail ou plutôt dans une startup qui révolutionne notre façon de se nourrir ? ”  Pour plusieurs investisseurs la réponse est évidente car ils ont conscience du challenge que représente la transition agricole : si on cherche à avoir un impact positif sur le monde il vaut mieux soutenir un acteur de l’agritech à mon avis. Ainsi, on a vu ces dernières années plusieurs fonds voir le jour et jouer le jeu pour investir dans l’impact et étonnamment, l’agrifoodtech fait partie des verticales les plus importantes de leur thèse d’investissement et la plus représentée dans leur portefeuille car elle dispose de ce fameux gisement d’impact.

Maintenant, si on veut investir dans l’agrifoodtech, un fonds espère trouver des dossiers de bonne qualité car leurs LPs ont aussi bien des attentes d’impact que de rentabilité : on ne peut donc investir que dans des projets apportant une belle proposition de valeur à impact, disposant d’un potentiel de forte croissance et menés par des équipes solides. Plus il y aura des dossiers de qualité, plus l’agrifoodtech sera capable d'attirer des capitaux privés.

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Comment mesurez-vous l’impact chez Techmind ?

Aujourd’hui on le fait de façon automatique et instinctive : quand on aborde un dossier, on regarde son impact sur la planète ainsi que sur l’ensemble des parties prenantes de l’alimentation : agriculteurs et consommateurs notamment. Par exemple, si un projet en agrifoodtech ne pollue pas mais n’apporte aucun bénéfice écologique, économique ou sanitaire positif, ce dernier ne sera pas forcément dans notre thèse. Sur l’année en cours, nous nous focalisons sur la recherche des projets de startups de lutte contre le gaspillage alimentaire, la réduction de l'empreinte carbone de l’activité agricole, de valorisation des déchets agricoles et alimentaires et d’optimisation de la logistique et du travail agricole.

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Comment accompagnez-vous les entrepreneurs en Agritech?

On a la chance de former notre verticale d’investissement agrifoodtech “Jeriko” en partenariat avec Carem Impulse, un family office fondé par un couple d’entrepreneurs agricoles (Emmanuel et Cariad) qui ont travaillé pendant 30 ans dans la culture de salades. Ce partenariat nous permet d’être pertinents aussi bien sur le plan stratégique et financier que sur le plan opérationnel dans notre proposition d’accompagnement aux entrepreneurs de l’Agrifoodtech. Ainsi, nous avons identifié plusieurs axes d’apport de valeur pour les startups de notre portefeuille : le premier c’est de les accompagner sur la stratégie de manière globale. Le second c’est la problématique du go to market grâce à notre approche qui préconise l'implication des investisseurs directement dans le projet de la startup, nous apportons un carnet d’adresses bien fourni permettant de déclencher des discussions commerciales, faciliter l’avancée des process commerciaux, ou apporter aux entrepreneurs du conseil sur leurs produits d’un point de vue technique.

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Nous apportons également un accompagnement opérationnel avec Carem Impulse qui fait bénéficier nos startups du portefeuille de plus de 30 années d’expérience agricole en France, Espagne et Tunisie. Ils apportent du conseil sur le produit sans oublier leur carnet d’adresses qu’il mettent à la disposition des startups.

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Dernier point : l’accompagnement financier. Un investisseur voit beaucoup de dossiers et comprend mieux que quiconque les éléments à mettre en avant pour déclencher une décision d’investissement favorable. Nous comprenons les attentes des investisseurs, et apportons du conseil pour améliorer la storyline de son Pitchdeck, construire un business plan, renforcer le discours autour de la proposition  de valeur et de la place de la solution sur le marché …

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Quelles thématiques sont recherchées par les corporates ?

C’est difficile à dire, car cela dépend de la startup, de ce qu’elle apporte et de la façon dont elle l’apporte. Les corporates ont besoin de startups qui comprennent leurs enjeux, s’adaptent à leurs process et à la leur manière de travailler, proposent une technologie simple à implémenter en mode plug and play, ce qui est très difficile à faire pour une startup. Très peu de startups agrifoodtech sont parvenues à craquer le segment des corporates. La question qui se pose est : Comment faire en sorte que ces deux mondes puissent communiquer et coopérer afin d’atteindre les objectifs d’impact et d’efficacité qu’ils recherchent tant ? C’est un travail qui est facilité aujourd’hui par les accélérateurs tel que Hectar mais aussi par les investisseurs qui peuvent constituer un véritable canal de communication et de coopération poussant les startups à développer des solutions de plus en plus adaptées aux réalités du monde corporate et les corporates à s’ouvrir et à contribuer au développement de ces nouvelles solutions.

De notre côté, nous sommes séduits par le potentiel des solutions d’IA permettant de réduire le gaspillage alimentaire, mais aussi par l’imagerie satellite et la scalabilité que cela apporte à diverses opérations de la chaîne agricole. Je peux citer des thématiques comme l'usage de l’IoT pour la réduction des doses de pesticides appliquées aux cultures. Pour nous ce sont des sujets qui pourraient apporter beaucoup de valeur à beaucoup de corporates.

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Des recommandations pour les entrepreneurs qui se lancent dans l’agritech ?

Quand on est passionné, on a moins de recul : c’est un point qui ressort chez beaucoup d’entrepreneurs et auquel il faut faire attention. On peut chercher à vouloir tout faire, alors que l’expérience démontre qu’il faut effectivement faire un gros effort lors de la création de la startup et jusqu’aux tests produits, mais à partir de la levée de fonds il faut savoir s’entourer d’une équipe et la construire. Le fait de savoir déléguer est une compétence très difficile à acquérir, surtout quand on travaille sur son propre projet. Les entrepreneurs qui font preuve de lucidité et de pragmatisme sur leur capacité à développer leur startup cherchent toujours à bien s’entourer, ils ont une incroyable capacité d’écoute et de coopération, c’est ces éléments de maturité entrepreneuriale qui font souvent la différence entre une startup qui ne dépassera pas le stade d’amorçage et  une autre qui a le potentiel pour devenir une scale-up en passant par la série A, série B série C…

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Dans l’entrepreneuriat, on demande toujours à l’entrepreneur d’être une sorte de créature hybride, à la fois très passionné et très pragmatique, ce qui est extrêmement difficile en réalité, et cela demande beaucoup d’auto-conscience et une flexibilité mentale et intellectuelle très élevée. Une autre façon plus simple d’avoir cette hybridation consiste à regarder du côté des startups fondées par des équipes de 2 ou 3 personnes, où les gérants sont complémentaires en termes de compétences et de personnalité, ce qui permet d’amener à la fois de la passion, de la rationalité et de la stabilité. Aller chercher des co-fondateurs pour se compléter et partager son aventure avec eux n’est pas toujours évident, mais si cela permet d’assurer la survie et le succès de la boite, ça en vaut largement la peine !

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Pourquoi se rapprocher d’Hectar ?

Nous nous sommes rapprochés d’Hectar pour plusieurs raisons : premièrement pour son positionnement au centre d’un écosystème avec sa capacité à communiquer et à fédérer plusieurs acteurs en même temps : des corporates, des investisseurs, des fonds…. Le fait que vous puissiez concilier les intérêts de chaque partie prenante et constituer un écosystème propice à la création de startups à fort potentiel de développement, c’est vraiment un positionnement clé, difficile à occuper mais qu’Hectar a su bien maîtriser.

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Le 2ème point, c’est le développement rapide d’Hectar. Vous avez su rapidement occuper une place importante dans l’écosystème agritech, où vous pouvez apporter beaucoup de valeur. Cela fait peu de temps que vous existez et les résultats sont déjà là : l'écosystème, les nouvelles initiatives, la qualité des startups sélectionnées, la qualité de l’accélération. On voit bien l’impact et les bénéfices que vous pouvez apporter aux startups via votre travail de coaching et d’accompagnement, ce qui leur permet d’être beaucoup plus pertinents pour nous investisseurs. En comparant avec des startups non accélérées, on voit vraiment la différence en termes de maturité et d’impact.

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La qualité d’un programme d’accélération se voit également dans la qualité de ses startups, et dans le parcours qu’elles ont entamé lors des mois d’incubation et d’accélération. On peut y voir clairement votre effort, aujourd’hui on rencontre automatiquement toutes les startups qui passent par Hectar, sans exception. Pour nous vous êtes un acteur de sourcing majeur, qui peut nous recommander des startups sur lesquelles nous n’avions pas de visibilité.

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Il y a également des startups sur lesquelles on investit très tôt avant leur accélération chez Hectar, en pre-seed ou même avant, et qu’on pousse à rejoindre l’accélérateur d’Hectar, car on est conscients de la valeur que vous leur apportez.

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Comment se fait la collaboration ?

Une fois par mois nous nous rencontrons avec Sarah pour parler des dernières tendances d’investissement et du secteur, de nouvelles startups, de ce qu’on a vu chacun de notre côté… Cela nous sert aussi à avoir un avis d’expert quand on connaît mal une thématique, pas forcément sur une startup mais sur une technologie, ses contraintes, son marché… Et l’inverse est aussi vrai, on peut être force de conseil sur un dossier, son impact, la préparation des startups… C’est l’occasion de discuter de tout cela, et de participer à la formation de l’écosystème Hectar à notre échelle.

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