Benoit Desloges, conseiller et accompagner les agriculteurs au quotidien

Qui es-tu ?

Je m’appelle Benoît Desloges, j'ai 36 ans, je suis fils d’agriculteur breton. J'ai obtenu mon BTS ACSE (Analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole) et ma licence à l'ESA d’Angers. Cela fait 15 ans que je travaille dans l'accompagnement des agriculteurs. Au début de ma carrière je les guidais sur leurs sujets bancaires en tant que chargé de clientèle agricole dans une banque, et depuis 10 ans j’ai rejoint un cabinet d'expertise comptable spécialisé dans l'agriculture. J’y conseille des agriculteurs sur le volet à la fois économique, fiscal, social, juridique, et financier. On parle aussi de stratégie d'entreprise, c'est un accompagnement 360°

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Quelle différence vois-tu entre les installations d'il y a quelques années et celles d'aujourd'hui?

Quand j’ai commencé, les agriculteurs qui s’installaient avaient comme défi majeur de produire. Les installations se faisaient le plus souvent dans un cadre de transmission familiale où les enfants reprenaient la ferme sans en changer le modèle, avec des agrandissements éventuels par opportunité. Côté formation, beaucoup étaient issus de bacs pro, de BTS en agriculture. Dans mon expérience, c'était le profil type de plus de 90 % des installations.

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Aujourd’hui, ces profils existent toujours mais ils sont moins majoritaires. Les nouveaux entrants sont de moins en moins issus du secteur agricole, surtout depuis le COVID, qui a amené une quête de sens, d'impact, de valeurs dans nos vies professionnelles. Venus d’autres secteurs, ils font une reconversion, la plupart font un BPREA. Ils ne sont plus uniquement dans une logique de production globale, ils vont au-delà en voulant être vertueux pour l’environnement, le réchauffement climatique, la biodiversité… Ces nouveaux paramètres entrent en compte dans les projets d'installation.

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Ce qui a émergé également récemment, d'un point de vue social, c’est l'équilibre vie privée-vie professionnelle. Pourquoi moi, agriculteur, je n'aurais pas les mêmes conditions de vie que mon voisin salarié ? Avoir mes  vacances, mes week-ends, passer du temps avec ma famille.... C’est de plus en plus important pour ceux qui s’installent.

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Que pensent les personnes en reconversion du métier d’agriculteur ? Est-ce qu’ils sont surpris de toutes les compétences qu’il faut acquérir ?

Être agriculteur, c’est un défi. On ne s'improvise pas chef d’exploitation, il faut avoir de multiples facettes et compétences : nourrir un sol, prendre soin des animaux, gérer économiquement sa structure, savoir vendre, communiquer, manager... C'est très varié, et c’est ce qui fait le charme du métier aussi !

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Penses-tu que quelqu'un qui a eu précédemment un emploi dans un autre secteur a des atouts qui peuvent l'aider dans le fait d'être agriculteur ?

Les personnes non-issues du monde agricole (NIMA) ont des atouts, par leurs précédentes expériences. Là où il y a vraiment une valeur ajoutée c’est la communication, la commercialisation, le marketing et les RH.

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Ce qui a pénalisé longtemps l'agriculture, c'est le manque de communication. Un agriculteur, ce n’est pas forcément son premier réflexe de communiquer, car il doit avant tout produire, faire tourner son exploitation.

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Pour des profils qui ont déjà managé dans d'autres fonctions, que ça soit dans un cadre agricole ou non, on peut profiter de son expérience passée. Le recrutement est aussi crucial en agriculture, et ce n’est pas une question de salaire : aujourd'hui un salarié agricole peut gagner 2  000 €.

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Quelles sont les grandes tendances dans les installations ces dernières années ?

Quand on s’installait il y a 15 ans, c’était toujours plus : plus de moyens de production, plus de temps de travail… Le salariat agricole n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui donc la charge pour l’agriculteur et sa famille était importante. Aujourd’hui, il y a davantage de réflexions en amont pour savoir si on embauche un salarié, si on prend un associé pour réduire ou aménager la charge de travail…

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J’ai pu constater également que les montants des investissements reviennent à taille humaine. Ce n’est pas la majorité, mais c’est un phénomène qui n’existait pas il y a quelques années, par exemple dans le lait, où il y a davantage de porteurs de projet qui veulent gérer des structures de taille familiale. Ils ne veulent plus investir de montants importants dans un secteur dont la valeur ajoutée est faible. Les millions de litres de lait ne les intéressent pas comme ils pouvaient faire rêver avant, sans compter l’astreinte que demande la gestion d’un élevage, les recrutements difficiles de main d’œuvre… La robotisation a beaucoup aidé le secteur mais ne fait pas tout.

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La rentabilité économique reste primordiale, bien évidemment pour la production mais aussi pour répondre aux défis environnementaux. Sans rentabilité économique, rien n’est possible.

Par ailleurs, on essaie de plus en plus de conserver la valeur ajoutée sur les exploitations. C’est une volonté des jeunes qui s’installent, mais aussi agriculteurs en activité, qui souhaitent développer ces activités de transformation et de distribution. L’objectif est la rentabilité économique mais aussi de répondre à tous les enjeux qui sont devant nous : environnement, énergies, transports…

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Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui se lance dans le secteur agricole ?

De bien définir sa stratégie d'entreprise et de se demander ce qu'il ou elle veut être dans cinq ans, dans dix ans ? Est-ce que je m’épanouis si j’ai le plus d’argent possible, si je peux profiter de mes amis… Ca peut paraître assez bateau mais c'est important de se projeter, de se poser ces questions pour ne pas se perdre en chemin, rester fidèle à ses aspirations et commencer du bon pied.

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Il faut aussi rester curieux, se former, définir ses forces pour pouvoir capitaliser dessus et s'entourer sur ses points faibles.

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Il est aussi important d’échanger, de ne pas rester seul : on peut intégrer des réseaux d'échanges, avoir des mentors comme le propose le programme Tremplin chez Hectar. Si on a des inquiétudes, des questions, cela permet de prendre du recul, de débattre, d’avoir des avis extérieurs de personnes qui ont vécu la même chose. Comme tout chef d'entreprise, l'isolement est assez rapide, donc il faut bien s'entourer avant même de commencer, parce qu'une fois qu'on est installé, on est vite pris par le quotidien. Comme dit le dicton, “seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin !”

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